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Séminaire Les Expériences du Temps

Le séminaire Les Expériences du temps a été élaboré par l'équipe du projet Les présents de l'histoire, parcours d’historien.ne.s : lieux, pratiques, écritures dans le cadre du labex Les passés dans le présent de l'Université Paris Nanterre en collaboration avec l'Institut d'Histoire du Temps présent (IHTP)

Les séances se sont tenues de janvier 2021 à juin 2022, à l'Ecole Normale Supérieure (campus Jourdan) et ont été retransmises en direct par visioconférence. 

Le séminaire Les Expériences du temps a été élaboré par l'équipe du projet Les présents de l'histoire, parcours d’historien.ne.s : lieux, pratiques, écritures dans le cadre du labex Les passés dans le présent de l'Université Paris Nanterre en collaboration avec l'Institut d'Histoire du Temps présent (IHTP)

Les séances se sont tenues de janvier 2021 à juin 2022, à l'Ecole Normale Supérieure (campus Jourdan) et ont été retransmises en direct par visioconférence. 

Retrouvez ci-dessous les captations vidéos réalisées par Alain Zind (IHTP). 

Présentation du séminaire : 

Comment, ici et ailleurs, les passés s'écrivent au présent. L'histoire n'appartient pas qu'aux historiens, mais aux producteurs d'histoire qui comptent certes des historiens, mais aussi des artistes, des romanciers, des cinéastes. Notre recherche entend interroger la catégorie du présent à partir de l'idée que le présent ne se limite pas à l'instant. Des faits très anciens peuvent prendre dans l'après-coup une actualité pressante, ce qui fait ressortir l'hétérochronie de la temporalité, trop longtemps envisagée selon un ordre successif, linéaire et prétendument causal, ce que d'aucuns appellent « l'enfer de la consécution ». Le présent historique revêt une épaisseur temporelle qui suscite une opacité à scruter. Le temps présent est à interroger comme un entre-deux, un travail du passé lové dans le présent. C'est ce nouveau regard que ce séminaire entend regarder de face. 

Les historiens de métier n'ont jamais eu le monopole de l'écriture de l'histoire. Le passé appartient à tous et les appropriations qui en sont faites ont toutes leur propre légitimité, qu'il s'agisse de celles des essayistes, des romanciers, des cinéastes et des artistes en général. La présence du passé dans l'espace public n'est certes pas une nouveauté mais, depuis une trentaine d'années, elle gagne en force et en intensité. Le passé est assurément aujourd'hui un enjeu politique majeur et l'espace public se saisit de nombreux épisodes du passé pour les valoriser, les discuter, les reconfigurer, les mettre en récit et en scène. 

Si le passé revient ainsi en force, c'est que notre temps semble connaître un dérèglement des mécanismes de la mémoire et de l'oubli qui signe peut-être une crise de la perception collective de l'avenir. Les visions du futur ont joué un rôle essentiel dans la lecture du passé. Elles indiquaient ce qui devait être retenu ou bien écarté du champ de l'analyse comme de celui du récit. Elles permettaient d'écrire une histoire animée d'un sens fort, déterminée par sa fin escomptée, une histoire téléologique. L'exploration des pratiques du temps à l'œuvre dans les domaines esthétiques nous permettrait de retrouver des possibles temporels oubliés ou mal connus. C'est, selon nous, une des conditions pour défataliser notre lecture du passé.

 

Vidéos des séances 

 

12 novembre 2021 : Alexandre Gefen : Intelligences artificielles et rêveries posthumanistes : essai d’archéologie.

L'avènement de l'Intelligence Artificielle s'est identifié à notre avenir : lorsque les machines seront devenues autonomes, au moment dit de la « singularité », prévue entre 2050 et 2100, elles absorberont ou domineront l'espèce humaine, selon que l'on verse dans le pessimisme ou l'optimisme transhumaniste. On se proposera de revenir sur cette eschatologie, déclinée par d'innombrables films et fictions, de Terminator à Westworld, dont les sources remontent en fait à très lointain passé, comme à la chronologie complexe et heurtée, entre histoire des sciences, des techniques et de idées, de l'Intelligence Artificielle, considérée comme un objet culturel total appelant son archéologie. 

Alexandre Gefen : Directeur de recherche au CNRS. Directeur adjoint Scientifique, Section 35, « Philosophie, littératures, arts ». Derniers ouvrages : Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle, Corti, 2017 ; Best-sellers. L'industrie du succès, avec Olivier Bessard-Banquy et Sylvie Ducas, Armand Colin, 2021 ; L'idée de littérature. De l'art pour l'art aux écritures d'intervention, Corti, 2021.

 

3 décembre 2021 : Jean-Claude Schmitt : Les rythmes du temps chrétien au Moyen-âge

Qu'est-ce que le rythme ? Le rythme est-il différent du temps ? Dans quelle mesure ces deux notions s'impliquent-elles mutuellement ?

Qu'elles sont les caractéristiques et l'évolution historique du « temps chrétien » (comparé à d'autres « régimes de temporalité », par exemple « païen », moderne ou contemporain ?

Comment analyser concrètement les manifestations rythmiques du temps chrétien dans les textes et les images ? (Retour sur : « Les rythmes du temps : scander l'année, sonner les heures » dans Les rythmes au Moyen Âge, pp. 251-358).

Jean-Claude Schmitt, Directeur d'études à l'EHESS, a récemment publié, outre Les rythmes au Moyen Âge, Gallimard, Bibliothèque illustrée des histoires, 2016, Le cloître des ombres. Suivi de la traduction française du Livre des révélations de Richalm de Schöntal, avec la collaboration de Gisèle Besson, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 2021 (voir en particulier le chapitre 2 « Les lieux et les temps », pp. 62-91), ainsi que l'article « Temps », dans Nouvelle Histoire du Moyen Âge, sous la direction de Florian Mazel, Le Seuil, 2021, pp. 895-902.

 

4 février 2022 : Bertrand Müller : Inscrire, classer, conserver, communiquer : la documentation, une question de régimes ?

Dans mon exposé je voudrais interroger dans la longue durée un ensemble de pratiques en apparence très ordinaires: s'informer, documenter. Ecrire, inscrire, prendre des notes, consigner, rédiger des fiches, constituer des listes, remplir des formulaires ou des questionnaires, sont des gestes que nous pratiquons au quotidien, que nous partageons largement avec d'autres, ce sont des gestes qui s'appuient sur des instruments (crayons, stylos, papier, désormais ordinateurs, smartphones, etc...) que nous maîtrisons avec plus ou moins de dextérité, des documents que nous jetons, documents éphémères, consignons, ou conservons durablement (archives, etc.). Toutes ces opérations ont une/des histoire/s, sont anciennes, concernent de nombreuses activités, se sont aussi considérablement transformées. Nous les définissons aujourd'hui comme des opérations d'information, de documentation, mais ces mots sont récents. L'exposé que je propose s'efforcera de tracer les grandes lignes de leur inscription dans la longue durée, depuis le moyen âge dominé par le manuscrit jusqu'à nos jours déterminés par une conversion numérique irréversible, en passant par d'autres moments, notamment l'imprimé. 

Je voudrais notamment enrichir une histoire longue qui oppose trop facilement le monde numérique de l'imprimé à la dématérarialisation des supports papier en interrogeant un moment de grandes transformations qui coïncide avec la révolution industrielle au XIXe et qui se prolonge jusqu'à la Deuxième Guerre: la documentation, néologisme qui entre dans la langue vers 1870.

Les rythmes de cette histoire longue semblent organiser des régimes particuliers autour de deux préoccupations récurrentes: comment résoudre les besoins croissants de documentation et d'information? Comment maitriser lla prolifération et la multiplication des formes documentaires qui en résultent? Je proposerai donc une inscription temporelle à partir de trois régimes: régime de l'imprimé qui se met en place vers le XVe siècle, se développe lentement et s'accélère au XIXe siècle, régime de la documentation contemporain de la révolution industrielle caractérisé par l'invention de nombreux médias, régime computationnel, plus récent dominé par l'informatique et la numérisation.

Bertrand Müller : historien, directeur de recherche au CNRS, responsable de l'axe Pratiques d'écritures et matérialité des connaissances au Centre Maurice Halbwachs. Il a publié Lucien Febvre, lecteur et critique, édité la Correspondance Lucien Febvre-Marc Bloch, de nombreux articles sur l'histoire des sciences sociales, les archives et la documentation. Il a animé l'ANR Histinéraires et dirige l'ANR HyperOtlet: documenter la documentation, une perspective européenne.

 

18 mars 2022 : Quentin Deluermoz : La Commune de Paris, une allochronie dans le grand récit du XIXe siècle.

Depuis deux siècles, l’énigme posée par la Commune de Paris ne semble se résoudre qu’en l’insérant dans un « grand récit » (marxiste, anarchiste, républicain, libéral, moderne). Or l’intérêt de la Commune semble précisément être d’échapper à ces ordres du temps. Pour se saisir des rythmes propres de la Commune, Il convient dès lors d’aborder les temporalités qui agissent dans l’évènement (longue durée, cycle, rémanence, surgissement, cheminement propre), ainsi que l’expérience singulière du temps et de l’histoire vécue par les insurgées. La révolte parisienne apparaît sous cet angle comme une forme d'allochronie qui vient interroger les manières ordinaires d’écrire l’histoire.

Quentin Deluermoz est professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paris Cité. Ses recherches portent sur l’histoire sociale et anthropologique des ordres et des désordres au XIXe siècle (France, Europe, empires). Il a notamment publié : Commune(s), 1870-1871. Une traversée des mondes au XIXe siècle (Paris, Seuil, 2020) ; avec P. Singaravelou, Pour une histoire des possibles. Approches contrefactuelles et futurs non advenus (Paris, Seuil, 2016) ; et dirigé avec T. Angeletti, J. Galonnier, le numéro de la revue Tracés, revues des sciences humaines et sociales « Faire époque » (n°2, 2019). Il est également co-fondateur et membre du comité de rédaction de la revue Sensibilités, Histoire, Sciences sociales et critique.

 

20 mai 2022 : Jean-Marie Baldner : Autour de quelques expériences temporelles dans la photographie contemporaine

L’ère du numérique serait-il le moment d’une rupture ontologique, d’un changement de paradigme qui libéreraient l’image photographique de la reproduction ? Photographes et théoriciens, saisis à la fois par la nostalgie, la disparition industrielle des matériels et des matériaux et le leurre techniciste, auraient-ils répondu par un « tournant analogique » et une nouvelle indexicalité ? Auraient-ils entrepris un nouveau voyage en autoréflexivité et en abstraction ? Le temps serait-il venu d’un retour critique sur l’histoire de la photographie ?

Jean-Marie Baldner : Historien-géographe et critique, JMB a participé à différentes recherches autour de l’histoire de la monnaie et à des projets internationaux sur l’histoire et les musées européens. Il écrit régulièrement dans le journal en ligne www.lacritique.org, pour le site de Gens d’images, dans des catalogues et des livres d’artistes. Il participe actuellement à un projet international sur la rénovation de l’éducation en Haïti.

 

10 juin 2022 : Claude Didry : Du temps de l'ouvrage à la durée du travail 

Le travail mesuré par le temps, voire chronométré, qui correspond dans la pensée de Thompson au « timed labour » ne s’impose que tardivement dans le développement du capitalisme à l’égard d’une activité productive présentée originairement comme « task-oriented ». Faut-il en conclure à une absence du temps dans un premier capitalisme ? Le temps dans le travail se ramène-t-il ensuite à la réglementation de sa durée ensuite (48, 40 35h hebdo) ? Je propose d’envisager dans leur diversité les occurrences et les expériences du temps qui s’attachent aux activités productives entre les époques moderne et contemporaine.

Claude Didry : sociologue, directeur de recherche CNRS au centre Maurice Halbwachs. A publié en 2002 un premier ouvrage intitulé Naissance de la convention collective. Débats juridiques et luttes sociales en France au début du XXe siècle, aux éditions de l’EHESS. Puis en 2005 avec Arnaud Mias, Le moment Delors. Les syndicats au cœur de l’Europe sociale ; en 2016, L’institution du travail. Droit et salariat dans l’histoire, éditions La Dispute.