Pour des raisons de conservation ou de mise à disposition du public le plus large, l’internaute se voit aujourd’hui proposer de consulter en ligne les journaux de tranchées de la Grande Guerre, les registres paroissiaux de son département ou encore des collections de masques de Papouasie Nouvelle-Guinée. La numérisation du patrimoine – entendu ici comme bien commun conservé par des institutions dédiées : bibliothèques, archives et musées – n’est pas une simple modification de support – support numérique appelé désormais, dans bien des situations de consultation, à se substituer à l’original. La numérisation permet d’inscrire ce patrimoine dans un nouvel espace de visualisation (celui de la page web) où il va être soumis à une autre économie des échanges que celle de la salle de lecture ou de la galerie d’exposition : ubiquité, rapidité, interactivité. La numérisation transforme dans le même temps ce patrimoine en données indexables, susceptibles d’analyses automatiques qui suscitent des rapprochements inédits entre documents, font émerger des sources méconnues, déterminent de nouveaux modes de problématisation. À ce patrimoine numérisé s’ajoute désormais un patrimoine numérique natif, dont le dépôt légal de l’internet (confié à la BnF et à l’INA) et désormais certaines archives administratives constituent des exemples remarquables.

Cependant, à ce jour, on sait peu de choses sur les usages de ce patrimoine en ligne et sur ses conséquences en termes d’appropriations sociales du passé. L’approche en termes d’audience prédomine, avec ses limites intrinsèques. Le labex Les passés dans le présent, qui porte sur la présence du passé à toutes les époques, et notamment à l’ère numérique, a donc ouvert un chantier de recherches novateur en la matière, et propose, dans le cadre de son cinquième Atelier, de présenter ses pistes de travail et de les confronter à d’autres recherches en cours.

Cet Atelier, loin d’être destiné aux spécialistes des pratiques numériques, intéresse l’ensemble des sciences humaines et sociales dans leurs interactions multiples avec le numérique, tout comme l’ensemble des métiers du patrimoine, concernés par le devenir numérique des fonds et collections. Il se propose d’explorer les conséquences de la numérisation sur les usages, les savoirs et les représentations du patrimoine, en accordant une attention particulière aux méthodes et problématiques d’étude actuelles :

•     Comment se transforment les usages du patrimoine à partir du moment où celui-ci est numérisé et consultable en ligne ?
•     Ses valeurs tant mémorielles qu’historiques et scientifiques sont-elles modifiées par la mise en ligne ?
•     Quelles médiations s’installent entre l’usager et l’offre documentaire (univers de signes, fonctionnalités des interfaces, communautés) ?
•     Comment observer, analyser et évaluer ces transformations ?

Programme

1. Problématique

9h30      Présentation de la journée, Ghislaine Glasson Deschaumes, labex Les passés dans le présent

9h40      Présentation de L’Argonnaute, la bibliothèque numérique de la BDIC : quels enjeux et défis aujourd’hui d’une bibliothèque numérique patrimoniale ?
Lionel Maurel, BDIC

10h00   Discussion

10h30   Pause

2. Les usages du patrimoine numérique 1/2 : la circulation du patrimoine sur le web

10h45   Le projet PhotosNormandie : quels risques/chances pour un fonds d’archives numérisé de s’exposer sur les réseaux ?
Patrick Peccatte, Laboratoire d'histoire visuelle contemporaine (Lhivic/EHESS)

11h15   Le projet « Le devenir du patrimoine numérisé en ligne » : une proposition méthodologique
Peter Stirling, BnF, Lionel Maurel, BDIC, Nicolas Auray, Télécom ParisTech

11h45   Discussion

12h30   Pause déjeuner

3. Les usages du patrimoine numérique 2/2 : les usagers des bibliothèques numériques

14h00   Que savons-nous aujourd’hui des stratégies des usagers des bibliothèques numériques pour chercher de l’information ?
Fabrice Papy, Université de Lorraine

14h30   L’observation des usages de Gallica : enjeux épistémologiques et stratégiques
Valérie Beaudouin, Télécom ParisTech, Jérôme Denis, Télécom ParisTech

15h00   Discussion

15h30   Pause

4. Les enjeux pour les chercheurs et les établissements de conservation

15h45   « Entre la compréhension et la stimulation des usages : un double défi pour la conception d’un programme de recherche autour des usages et des appropriations sociales du patrimoine numérisé »
Marie-Claude Larouche, Université du Québec à Trois-Rivières

16h15   Évolution des médiations patrimoniales et web de données ouvertes dans les musées : vers la construction d’un espace culturel partagé?
Brigitte Juanals, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Jean-Luc Minel, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, directeur de Modyco (UMR 7114)

16h45   Discussion et synthèse