L’inévitable ordre linéaire de la présentation des projets du labex ne rend pas nécessairement visibles les nombreuses passerelles et interactions existant entre les projets du labex, les aspects de sédimentation et d’agrégation entre eux. À mi-parcours, le labex Les passés dans le présent se présente ainsi comme un réseau articulé de recherches, avec ses rhizomes, ses centralités plurielles, ses dynamiques en cascades. À partir de ses deux grands thèmes fondateurs, le projet collectif de recherche Les passés dans le présent s’est en effet densifié, approfondi, diversifié, internationalisé.
Trois modalités opératoires, qui participent de la consolidation de l’objet de recherche majeur du labex, à savoir la présence des passés dans le présent à l’ère du numérique, doivent être rappelées :
- La démarche inter-institutionnelle, qui permet aux professionnels de la recherche académique et aux professionnels des institutions culturelles d’œuvrer ensemble à la définition et à la conduite des projets de recherche.
- La démarche interdisciplinaire, véritable horizon de recherche pour le labex, et qui opère à différents niveaux des projets, de la définition des questions de recherche, pour laquelle sont mobilisés des savoirs pluriels, à l’élaboration de méthodes d’enquête ou à la description et à l’analyse conjointe des données.
- La dimension internationale, étoffée à partir de 2014. Elle s’ancre fermement dans le partenariat développé avec le programme franco-britannique Care for the Future (8 projets communs retenus dans le cadre de l’appel à projets 2015, cofinancés par le Arts and Humanities Research Council à hauteur de 800 000€ ; 2 ateliers de recherche en 2015 ; 3 ateliers prévus pour 2016-2018). Elle se déploie également à travers la dimension internationale de plusieurs recherches, en Europe, en Amérique latine, au Proche- et Moyen-Orient, visant à structurer des réseaux.
Pour faire le lien entre le programme initial du labex, tel que validé par l’ANR en 2012, et le déploiement actuel du projet scientifique, la présentation qui suit reprend le cadre des 2 chantiers fondateurs, désormais dépliés en 4 thèmes.
Représentations du passé à toutes les époques
Cet axe de recherche porte sur la manière dont les hommes, les sociétés, les pouvoirs politiques se représentent ou se sont représenté le passé à différentes époques, dans différents espaces, et les usages qu’ils en ont fait. Il est en quelque sorte le pivot du projet, au sens où les questions posées l’instruisent dans son ensemble.
Il se déplie en deux volets enrichis et renforcés à la suite des appels à projets 2013 et 2015. En regard d’autres recherches sur les mêmes questions, il se caractérise, d’une part, par l’inclusion des problématiques propres aux humanités numériques, d’autre part, par les perspectives d’ampleur qu’il ouvre : études sur le temps long, nécessaires pour comprendre les ré-élaborations, transformations ou oublis, études sur la stratification des représentations du passé historique, du patrimoine, de la mémoire, approches interdisciplinaires, pluralité des terrains sur un même objet de recherche, enquêtes en plusieurs phases, revêtant pour certaines un caractère d’expérimentation méthodologique.
Représentations du passé à toutes les époques
Ce premier thème s’intéresse aux historiographies antiques, à l’histoire comparée des représentations, aux historiographies de la mémoire, aux traitements juridiques du passé, aux politiques mémorielles et à leurs ressorts, aux politiques patrimoniales et à leurs effets.
Alliant histoire de l’art et archéologie, histoire et anthropologie, archéologie et anthropologie, philologie et traduction, histoire, science politique et sociologie de la mémoire, histoire littéraire, histoire des médias et histoire de l’art, les recherches de cette thématique portent sur les usages du passé, à partir de sources nouvelles ou réinterrogées, à partir d’enquêtes sociologiques ou ethnographiques.
Effets de la médiation du passé et de la médiation de l’histoire
Sous ce chapitre, où sociologues, anthropologues, ethnologues, spécialistes de l’information et de la communication, juristes, historiens et professionnels des archives et bibliothèques numériques problématisent ensemble les pistes de recherche, les équipes conduisent des travaux qui renouvellent les études de réception conduites dans les institutions patrimoniales et qui s’intéressent plus généralement aux modes d’appropriation d’un passé historique.
Connaissance active du passé
Avec le second axe du programme Les passés dans le présent, se posent la question des dynamiques de production et de mise à disposition numérique de sources historiques et patrimoniales et celle de leurs effets sur les savoirs et sur la relation au passé.
Certains expérimentent de nouveaux dispositifs d’investigation, de lecture et d’interprétation savantes, d’autres, de nouveaux modes de restitution pour un large public, et les deux approches sont souvent combinées. Une grande partie de ces projets sont fédérés scientifiquement et techniquement par « Modélisations, référentiels et cultures numériques ». Cependant, deux chantiers se sont progressivement distingués et étoffés.
Nouvelles sources, nouvelle(s) histoire(s) ?
Les projets inscrits dans ce thème visent à éclairer d’un nouveau jour l’histoire de l’immigration, l’histoire de la décolonisation, l’histoire du territoire et du fait urbain, l’histoire des cultures matérielles, les configurations du patrimoine immatériel et ses rapports avec la culture matérielle. Ils proposent des méthodologies de collecte, conservation, éditorialisation et publication des données permettant la réutilisation scientifique et/ou culturelle des corpus et de nourrir le débat public. Plusieurs d’entre eux se caractérisent par un ancrage territorial fort à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine et en Île-de-France. Conduits pour la plupart en collaboration avec les groupes ou communautés concernés, ces projets, dont plusieurs ont un impact de formation important (M1 et M2 professionnels), associent des historiens, des ethnologues et ethnomusicologues, des sociologues, des géographes et aménageurs urbains, des professionnels des bibliothèques et services d’archive, des réalisateurs de documentaires ; ils donnent lieu à des expositions, web documentaires, parcours urbains. Plusieurs projets s’attachent aussi à faire entendre la voix des sans-voix pour rendre compte de la présence des passés dans le présent.
Histoire, patrimoine, mémoire : nouveaux accès, nouvelles mises en perspective
Avec la mise à disposition de corpus numérisés de fonds et de collections méconnus, composés de textes, de sons, d’images, pour certains dispersés entre plusieurs institutions patrimoniales partenaires, ce chantier central dans le programme « Les passés dans le présent » concourt à rendre accessibles des sources plurielles pour la connaissance historique « active » du passé. Il intéresse une vingtaine de projets, où les différents métiers de la recherche (chercheurs, ingénieurs, techniciens) et du patrimoine (conservateurs, documentalistes) coopèrent pour élaborer des dispositifs innovants à destination, d’une part, de la communauté scientifique, d’autre part, d’un large public. Il entraîne de ce fait de nombreux décloisonnements. Comme annoncé dans le programme scientifique Les passés dans le présent, les questions posées sont d’ordre technologique, mais également politique et épistémologique. Creuset de nouvelles méthodes et pratiques, ce chantier est d’importance majeur pour penser les enjeux de co-construction des savoirs à l’ère du numérique.