Collectionner l’impressionnisme
Appel à communication
Colloque international organisé par la fondation de l’université Paris Nanterre, en partenariat avec le labex Les passés dans le présent, le laboratoire Histoire des arts et des représentations de l’Université Paris Nanterre et l'Université de Rouen Normandie, avec le soutien du Contrat Normandie - Paris Île-de-France : Destination Impressionnisme
Date : 25-26 juin 2020
Lieu : Rouen, auditorium H2O
Le néologisme « collectionneur » se forme au XIXe siècle pour désigner stricto sensu celui qui collectionne, achète des œuvres, les accumule, en est propriétaire. Cette description concrète, qui généralise une diversité de profils et de manières de collectionner nés durant la période, se distingue des connotations attachées aux termes précédents d’« amateur » ou de « connaisseur », qui évoquent davantage le goû, l’érudition, l’engagement artistique ou intellectuel. S’ils ne sont pas exempts de préoccupations économiques et sociales, les collectionneurs de l’impressionnisme se sont souvent impliqués dans la défense de ce mouvement qu’ils ont contribué, selon leur époque, à faire émerger, à imposer ou à diffuser à l’échelle internationale. C’est à cette catégorie engagée de collectionneurs qui, sans exclure nécessairement d’autres inclinations artistiques ont joué un rôle dans l’histoire du mouvement, que ce colloque propose de s’intéresser.
Alors que de nombreux travaux ont été consacrés à quelques figures particulières de collectionneurs, l’enjeu de ce colloque est de dépasser l’approche monographique pour privilégier des analyses transversales, comparées et problématisées. Le collectionneur et sa collection seront abordés en lien avec son époque et son contexte politique, social et économique. Il s’agit ainsi de poser la question du rôle des collectionneurs dans le développement et la diffusion de l’impressionnisme depuis les débuts du mouvement jusqu’au milieu du XXe siècle. Loin d’être isolé, le collectionneur est ancré dans un réseau d’acteurs aussi bien privés qu’institutionnels qu’il s’agira là aussi d’identifier afin de mettre en lumière leurs relations et de les situer dans les réseaux du monde de l’art moderne. Qu’on adopte une approche par l’objet, la collection ou le collectionneur, cette mise en contexte se joue aussi du point de vue des territoires. Du local à l’international, les différentes échelles seront confrontées, toujours dans cette idée de situer les faits, les personnes et les objets.
Afin de développer ces questions, plusieurs thématiques sont proposées à la réflexion des chercheurs.
Constituer la collection
Le collectionneur entreprend sa collection soit à partir d’un noyau hérité, soit en suivant une idée particulière ou en se laissant guider par le hasard et les rencontres. La collection intervient alors à un moment de la vie des objets et en modifie le destin. Dans un temps de collectionnisme aigu, la question du choix de l’impressionnisme et donc des motivations du collectionneur se pose. Dépendent-elles de son profil socio-économique ? De son histoire personnelle ? De son genre ? De son implantation géographique ? Collectionne-t-on de la même manière qu’on soit normand, parisien, américain ou russe ; qu’on ait côtoyé les peintres impressionnistes ou qu’on soit né après leur disparition ? Au-delà de l’esthétique, des choix plus fins s’opèrent parfois en fonction des médiums, des formats, des sujets ou d’un artiste en particulier.
La constitution de la collection pose aussi des questions pratiques comme les moyens investis, la manière d’acquérir – en vente publique, directement chez l’artiste ou chez un marchand – les intermédiaires engagés, la littérature consultée... Certains ne s’entourent que des œuvres facilement accessibles quand d’autres sont prêts à voyager pour constituer leur collection.
Travailler et présenter la collection
Le propre d’une collection est de n’être jamais achevée. Sa vie, faite d’achats, de reventes, d’échanges et de cadeaux, est souvent trés intense et mobilise tout un réseau d’artistes, de marchands, d’experts et d’amis collectionneurs ou non. Elle implique aussi une gestion matérielle très concrète pour le stockage, la conservation ou la restauration des œuvres. De manière plus évidente mais pas toujours bien connue, se pose la question de la visibilité de la collection. Est-elle accessible ? Si oui, dans quel lieu, à quelle condition et pour quel public ? La thématique de la monstration de la collection ouvre sur celles de l’aménagement intérieur et de l’accrochage, qui sont particulièrement prégnantes à l’époque de l’impressionnisme. Des publications pour aider les collectionneurs dans leurs activités apparaissent alors.
Au même moment, la pratique de la collection s’accompagne d’un approfondissement scientifique des connaissances. Que ce soit le collectionneur lui- même ou d’autres intermédiaires – critiques, marchands, historiens – nombreux sont ceux qui publient autour des collections dans une volonté de mise en ordre et d’inventaire. Cette évolution fait écho à la spécialisation de l’histoire de l’art qui se joue alors et dont témoigne par exemple l’apparition des premiers catalogues raisonnés. Ces premiers travaux scientifiques mettent parfois en lumière de manière détournée de nouveaux aspects des collections, en particulier les nombreux faux qui circulent alors sur le marché. Cette ambition de documenter et médiatiser la collection est notamment rendue possible par le développement de la photographie qui permet de multiplier la reproduction et la diffusion iconographique des œuvres d’art.
Appréhender l’impressionnisme par la collection
La médiation et l’exposition croissante des collections accentuent le rôle qu’elles ont pu jouer dans la diffusion du mouvement du temps des peintres ou dans la première moitié du XXe siècle. Comment l’impressionnisme a-t-il été perçu à travers ces collections ? Quels impacts ont-elles eues à la fois sur le goût du public et sur les pratiques artistiques ? À l’échelle internationale, à une période où les nationalismes s’exacerbent, la diffusion de l’impressionnisme, considéré comme un art français, est bien souvent entrée en concurrence avec le soutien et le développement d’un art national.
Quand cela est possible, on étudiera alors avec profit la posture du collectionneur. Adopte-t-il une conduite volontairement et consciemment militante de défense du mouvement? Se met-il en scène dans cette démarche ou s’efface-t-il derrière sa collection ? Et quels moyens met-il en œuvre dans son entreprise ?
Le devenir des collections
Qu’elle soit vendue, donnée, perdue ou spoliée, qu’elle soit conservée dans son intégralité ou dispersée, la collection se trouve presque toujours confrontée à sa fin. Celle-ci survient souvent à la disparition du propriétaire mais peut aussi intervenir de son vivant. Certains collectionneurs ont pour leurs œuvres un véritable dessein, qui éclaire souvent d’une nouvelle manière leurs motivations et leur conception de la collection. Le collectionnisme est concomitant de l’essor des musées qui, en donnant une destination assez évidente pour les collections, favorise leur développement. On étudiera ainsi avec profit les relations entre collections privées et institutions publiques, entre collectionneurs et fonctionnaires de la culture.
Alors que certains, qui conçoivent leur collection comme une œuvre à part entière, trouvent dans la donation un moyen de conserver son unité ; d’autres au contraire considèrent chaque objet dans sa valeur propre et préfèrent disperser leur collection en vente publique. Si l’histoire de la collection se clôt alors, celle de chaque objet se prolonge, permettant parfois de retracer l’arbre généalogique d’une œuvre. Et parfois les collections sont dispersées de manière plus violente. C’est le cas des collections perdus ou spoliées. Si la trace de ces collections est difficile à suivre elle est d’autant plus passionnante que ce sont souvent des ensembles bien moins connus.
Ces pistes ne sont ni exhaustives, ni exclusives et toutes les propositions seront examinées avec intérêt par le comité scientifique qui sera malgré tout attentif aux efforts de problématisation. Il ne s’agit pas tant de dresser le portrait de la figure du collectionneur, à moins d’une mise au jour d’une personnalité pas ou peu connue, mais d’interroger son lien à l’impressionnisme de façon comparée, transversale et problématisée.
Bourses
Dans le cadre de la préparation de ce colloque, des bourses d’aide à la recherche sont proposées. Elles sont destinées à soutenir des travaux qui doivent être menés sur les territoires normands, parisiens et d’Île-de-France afin de mettre au jour des sources, des collections ou des collectionneurs méconnus.
Ceux qui souhaitent en bénéficier doivent envoyer, en plus de leur proposition de communication, un projet de recherche motivé qui détaille les fonds à explorer.
Toutes les propositions (de communication et demande de bourse) sont à envoyer à collectionner.limpressionnisme@gmail.com avant le 31 octobre 2019.
Les propositions de communications feront maximum 1 page et seront accompagnées d’une courte bio-bibliographie.
Atelier préparatoire
Un atelier préparatoire à ce colloque sera organisé à l’université Paris Nanterre le 3 octobre 2019 sur le thème Le collectionnisme : approches, méthodes et outils. Son but sera de proposer en amont des éléments d’enrichissement en faisant le point sur l’historiographie de la question, sur les recherches en cours et en présentant les chantiers en cours, numériques et expositions, que les chercheurs et les institutions culturelles ont développés pour l’étude de ces collections.