Séance 5
Jeudi 30 juin, 19h-22h
Ecole Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, Paris 5e ardt – salle Dussane
IMAGES FUGITIVES :
Projection de La Pierre triste
Suivie d’une discussion entre Filippos Koutsaftis et Alain Schnapp
« Il manque beaucoup de petits fragments pour donner une image de la ville. Pour l’heure, gardons juste cet instantané de Panayotis. Une ombre fugace, au marché. » (Extrait du texte de La Pierre triste)
La Pierre triste (2000, 85mn) : Éleusis, petite ville industrielle située à une vingtaine de kilomètres d’Athènes, est liée depuis les temps préhistoriques à l’un des mythes les plus en vogue chez les Anciens, celui de Déméter, déesse de l’agriculture et de la fertilité, et de sa fille Koré-Perséphone. Les fameux Mystères, célébrés à Éleusis pendant près de deux millénaires, étaient liés au cycle de la vie et donnaient aux mystes, autrement dit aux initiés, l’espoir d’affronter la mort avec sérénité et béatitude. C’est ici, nous dit la légende, que l’on cultiva pour la première fois les céréales, dons de la déesse aux habitants d’Éleusis. C’est ici aussi que ce sont développées les plus grandes industries de Grèce, entraînant des conséquences désastreuses pour la région et le sanctuaire. Pendant dix ans, Filippos Koutsaftis filme la ville comme un pèlerin, découvre les témoignages de son visage antique survivant dans les murs contemporains et les gestes quotidiens de ses habitants, met au jour les passés anciens et récents qui composent l’image fragmentaire de la ville. Ce faisant, il mène une interrogation sur les images – photographies, publicité, vidéo-clips – et sur la capacité du cinéma à sauver le passé, à ouvrir des brèches dans le temps.
Filippos Koutsaftis est né à Zagora, Volos en Grèce en 1950. Il a débuté ses études en ingénierie mécanique puis il a poursuivi des études de cinéma à Athènes. Il a travaillé comme directeur de la photographie pour un grand nombre de longs métrages grecs, ainsi que pour la télévision. Parallèlement, il a été créateur lumières pour des spectacles de théâtre, de danse contemporaine et de musique. Il a produit et réalisé les films documentaires archéologiques suivants : ΣΕΜΝΩΝ ΘΕΩΝ (SEMNON THEON, 25 min, 1987), ΜΙΑ ΜΕΡΑ ΜΕ ΤΟΝ ΜΙΝΩΑ (UNE JOURNÉE AVEC MINOAS, 27 min, 1990), ΑΓΕΛΑΣΤΟΣ ΠΕΤΡΑ (LA PIERRE TRISTE, 84 min, 2000), TO.RA.KE. (TO.RA.KE, 24 min, 2007), ΑΡΚΑΔΙΑ ΧΑΙΡΕ (HAIL ARCADIA, 87 min, 2015). D’une façon régulière, son intérêt artistique tourne autour de questions du temps, de la mémoire et de l’histoire.
Alain Schnapp est professeur émérite d’archéologie à l’université de Paris I et chercheur à la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie ParisI/ Paris Ouest/ CNRS. Il a contribué avec S. Cleuziou, A. Coudart et J.P Demoule à la réforme de l’archéologie en France et à la fondation de l’INRAP. Il a été directeur de l’UFR d’histoire de l’art et d’archéologie de l’université Paris et directeur général de l’INHA. Il a siégé dans diverses institutions et commissions. Son travail porte sur l’archéologie des cités grecques, l’iconographie et l’histoire de l’archéologie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages ainsi que de nombreuses études spécialisées sur l’iconographie du monde grec, les fouilles des sites de Laos (Calabre), Eleftherna et Itanos (Crète). Il a dirigé le programme européen « archives de l’archéologie (AREA) ». Il a enseigné et poursuivi ses recherches dans de nombreuses universités européennes et américaines : Cambridge (GB), Aarhus, Naples (Istituto Orientale), Pérouse, Heidelberg, Bâle, Cologne, Berlin (Wissenschafts Kolleg) Princeton, Los Angeles (Getty Research Institute), Stanford. Parmi ses publications : Le chasseur et la cité, chasse et érotique en Grèce ancienne (Paris, Albin Michel, 1997), La conquête du passé (Paris, La Découverte, 2020 (3° édition), Une histoire universelle des ruines (Paris, Le Seuil 2020).
Le dialogue entre Filippos Koutsaftis et Alain Schnapp sera traduit par Ioannis Chondros et Eleni Gioti.
Séance organisée en partenariat avec l’Ecole Normale Supérieure (coorg. Antoine de Baecque, DHTA)
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Le séminaire « Cinéma, Antiquités, Archéologie » souhaite interroger les articulations entre le cinéma et l’archéologie, du point de vue historique, esthétique, théorique et épistémologique. En effet, si une porosité entre la science archéologique et l’art cinématographique existe depuis les débuts du cinéma, les films à l’antique puisant dans les découvertes archéologiques pour reconstituer des mondes disparus, un travail à la fois circonstancié et théorisé sur ce que et en quoi le cinéma fait de l’archéologie est encore à faire. Il s’agit non seulement d’identifier ce que l’on pourrait appeler une « invention au carré » - de l’invention au sens archéologique (la découverte, la mise au jour d’un site et de ses artefacts) à l’invention cinématographique, c’est-à-dire la manière dont le cinéma et ses images, et pas seulement dans les films à l’antique, non seulement met au jour à son tour, et informe, donc déforme, des objets ou des sites passés. Il s’agit plus encore d’interroger ce qu’il a en partage avec l’archéologie (par exemple en tant qu’art de l’empreinte et du fragment), et voir comment il met en œuvre, à sa manière, des formes d’archéologies, dans son rapport à l’espace, au temps passé, présent et futur, à l’Histoire et à sa propre histoire, à la matière et à sa propre matérialité, au corps, aux images, à la fiction.
L’objet de la réflexion est donc aussi – et même avant tout – épistémologique : identifier en quoi les méthodologies et théories de l’archéologie permettent de penser le cinéma, et les pratiques de certains cinéastes. La méthodologie mise en œuvre au cours de ce séminaire consiste donc à faire se rencontrer et dialoguer artistes, spécialistes des études cinématographiques, historiens d’art et archéologues, pour réfléchir ensemble, à partir de conférences et projections, à ce que l’archéologie peut apporter à la pensée du cinéma.
Programme des séances précédentes
18 novembre 2021 : Marc Azéma et Raphaël Dallaporta (Université Paris Nanterre)
16 décembre 2021 : Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (CNC)-en partenariat avec ArTeC
10 février 2022 : Claudine Cohen (INHA)
14 avril 2022 : Philippe-Alain Michaud et Jonathan Pouthier (Louvre)
Séminaire organisé dans le cadre du projet ICAAR – « temps réInventés : Cinéma, Antiquités, ARchéologie » (Labex Les passés dans le présent (ANR-11-LABX-0026-01) ; université Paris Nanterre (HAR et ArScAn) ; musée du Louvre)