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10.02.2022

[Appel à contribution] Futurofolies - Revue Terrain

L’un des grands défis de la futurologie et de la prospective est de nous faire envisager l’inenvisageable, l’impensable, en extrapolant des tendances, en imaginant des ruptures brutales, en s’embarquant dans des scénarios catastrophes. À première approximation, la variable temps est au cœur de toutes les futurologies et la flèche du temps est l’un des modèles les plus couramment utilisés. Mais quand on la regarde de près, la futurologie d’aujourd’hui est un grand bazar, beaucoup plus éclectique qu’elle y paraît, nouant des liens complexes avec les sciences aussi bien qu’avec la science-fiction. Lieu d’intense créativité spéculative, où se démontent toutes les prédictions attendues, les futurologues y font volontiers l’inventaire des possibles et éclater le temps en autant de scénarios divers et variés. Ce numéro propose de faire remonter des futurologies inattendues, décalées, d’autres manières de jouer avec le temps que celles qui nous sont imposées. Que penser des prises de position qui se sont multipliées dans les dernières décennies visant à imposer un temps unique, caractérisant notre époque comme une période de profonde mutation dans la texture même du temps ?

Date limite de soumission : 1er septembre 2022

Plus d'informations dans l'article

 

Numéro coordonné par Julien Wacquez

                      

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          L’un des grands défis de la futurologie et de la prospective est de nous faire envisager l’inenvisageable, l’impensable, en extrapolant des tendances, en imaginant des ruptures brutales, en s’embarquant dans des scénarios catastrophes. À première approximation, la variable temps est au cœur de toutes les futurologies et la flèche du temps est l’un des modèles les plus couramment utilisés. Mais quand on la regarde de près, la futurologie d’aujourd’hui est un grand bazar, beaucoup plus éclectique qu’elle y paraît, nouant des liens complexes avec les sciences aussi bien qu’avec la science-fiction. Lieu d’intense créativité spéculative, où se démontent toutes les prédictions attendues, les futurologues y font volontiers l’inventaire des possibles et éclater le temps en autant de scénarios divers et variés. Ce numéro propose de faire remonter des futurologies inattendues, décalées, d’autres manières de jouer avec le temps que celles qui nous sont imposées. Que penser des prises de position qui se sont multipliées dans les dernières décennies visant à imposer un temps unique, caractérisant notre époque comme une période de profonde mutation dans la texture même du temps ?

Basculement dans un éternel présent (sans plus aucune perspective passée et future) déplorent certains (Hartog 2003). Accélération du temps à laquelle personne ne peut échapper s’inquiètent d’autres (Rosa 2010). Temps d’une accélération pour lequel d’autres encore se réjouissent (voir les « accélérationnistes », Srnicek & Williams 2016). Urgence de l’Anthropocène (Crutzen & Stoermer 2000). Effondrement auquel se préparent des militants écologistes (Servigne 2015). Certains vont jusqu’à simuler la disparition du temps, comme les physiciens quantiques défendant l’idée que le temps n’existe pas (Rovelli 2014), tandis que d’autres s’aventurent dans des expériences limites de datation, cherchant à définir toujours plus précisément l’âge de l’univers (Choi et al. 2020). Si le temps échappe à notre contrôle, il semblerait que nous ne puissions lui échapper. Du temps, souvent considéré comme unique et unilatéralement orienté au lieu d’être décliné au pluriel, tout semble avoir été dit. Cependant, il est important de relancer la question du temps pour au moins deux raisons : mieux comprendre l’effet de temps réel produit par les technologies actuelles et les rapports complexes qu’entretiennent différentes échelles temporelles.

Comment répondre aujourd’hui très concrètement à l’exigence d’intégrer à l’enquête ethnographique ou historique des temporalités, des cycles, des rythmes contradictoires, et parmi eux les contraintes du deep time, le temps géologique profond de l’Anthropocène (Chakrabarty 2015) avec lequel il faudrait apprendre à composer ? Et si l’espèce humaine était condamnée à un rapport faussé au temps réel, à faire un usage excessif de sa propre faculté de projection, vouée à vivre en état de jet lag permanent, constatant le déjà eu lieu qu’après coup, n’anticipant jamais au bon moment ce qui n’est pas encore ? La sociologie, l’histoire comme l’anthropologie de l’insoutenable désynchronisation de l’être restent à faire : comment rendre compte de nos efforts pour nous ajuster à des rythmes, intérieurs comme extérieurs, nous synchroniser avec des temps qui ne nous ressemblent pas, agir et réagir à la vitesse ou à la lenteur adéquate ? Quelles conceptions du temps devrions-nous abandonner pour s’ajuster à l’énigme du temps réel, à quelles autres devrions-nous nous accrocher ?

Les écrivains de science-fiction ayant fait de la distorsion du temps l’une de leurs spécialités favorites peuvent apporter des éléments de réponses ou, en tout cas, offrir un regard neuf sur nos enquêtes. Car ils s’amusent à machiner le temps, à le renverser, à l’invertir, à le retourner sur lui-même ou à le faire glisser sur Mars, pour nous obliger à penser autrement, nous bousculer dans notre appréhension ordinaire du temps. Ils nous permettent d’opposer à l’impression d’un temps unique, la prolifération et la simultanéité des expériences du temps, opérant entre des temps contradictoires des raccords multiples, des (dé)couplages inattendus ou encore les superposant en strates.

Face aux futurs imposés, on propose ici de réagir en s’appuyant sur des terrains encore trop peu explorés par les sciences humaines et sociales : peut-on examiner de manière critique comment écrivains de science-fiction, futurologues, prospectivistes, oracles de l’économie, des relations internationales, des réseaux sociaux, des nouvelles technologies informatiques ou des innovations spatiales travaillent le temps ? De quelles conceptions du temps ont-ils besoin pour formuler leurs prédictions ? Comment mettent-ils en présence un futur — que ce soit celui dont ils rêvent ou celui qu’ils cauchemardent ? Comment font-ils coexister dans un même récit des échelles de temps radicalement éloignées ?

Seront bienvenues des enquêtes qui examinent empiriquement comment des rapports au temps s’inventent, des intelligences du temps inédites, entre ajustement, synchronisation et désynchronisation, mais aussi des dispositifs, des pratiques où l’on s’adonne à des expériences du temps singulières, à des formes inconnues d’anticipation et de régression, où l’on délire le temps, entre mégaralenti, hyperaccélération, rétroprogression ou régression vers l’avant, permettant de porter un regard critique sur nos usages et contre-usages du temps.

Nous envisageons des terrains qui portent — par exemple, mais pas exclusivement — sur le travail des géologues spéculant sur le devenir des continents ; celui des paléontologistes ou des astrobiologistes imaginant des formes de vie et des processus d’évolutions tout autres ; des cosmologues en quête des traces d’un état « primordial » de l’univers ; des développeurs de jeux vidéo programmant des univers virtuels à l’intérieur desquels des millions de joueurs et de joueuses s’engagent à faire l’expérience (et à perdre) de nombreuses vies métaverselles ; des personnes explorant, à l’aide d’hypnothérapeutes, des vies antérieures ; d’autres encore développant de nouveaux modes de vie, de nouvelles manières d’être-dans-les-temps.

Contre l’idée que le futur serait déjà joué, contre l’idée d’un temps unique, unilatéralement orienté, on s’intéressera ici aux lieux de futurologies folles, excentriques, alternatives, simultanées ou parallèles.

Outre des articles académiques (8 000 mots), le numéro comptera des « portfolios » conçus comme de courts essais construits sur un corpus d’images. Des récits courts (4 000 mots) enfin, prenant la forme de vignettes descriptives, rendront compte d’événements documentés dans des archives ou directement observés dans le cadre d’un terrain ethnographique.

Les propositions de contributions devront être envoyées sous forme d’un résumé (300 mots environ) avant le 15 mars 2022 à la rédaction de la revue Terrain :

terrain.redaction@cnrs.fr

Les articles complets sont à remettre pour le 1er septembre 2022.

 

Lectures

 

ANDRIEU Chloé & Sophie HOUDART (dir.), 2018.
La composition du temps : Prédictions, événements, narrations historiques, Paris, Boccard.

ANGELETTI Thomas, Arnaud ESQUERRE & Jeanne LAZARUS (dir.), 2012.
Prédictions apocalyptiques et prévisions économiques numéro thématique, Raisons politiques, 48.

CHAKRABARTY Dipesh, 2015.
« The Human Condition in the Anthropocene », The Tanner Lectures on Human Values, Yale University, p. 138-88.

CHOI Steve K. et al., 2020.
« The Atacama Cosmology Telescope : A Measurement of the Cosmic Microwave Background Power Spectra at 98 and 150 GHz », Journal of Cosmology and Astroparticle Physics, no 12, id. 045. En ligne : https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1475-7516/2020/12/045

CRUTZEN Paul & Eugene STOERMER, 2000.
« The Anthropocene, Global Change », IGBP Newsletter, no 41, p. 17–18.

DELUERMOZ Quentin & Pierre SINGARAVÉLOU, 2016.
Pour une histoire des possibles : Analyses contrefactuelles et futurs non advenus, Paris, Seuil.

ELIAS Norbert, 1996.
Du temps, Paris, Fayard.

GELL Alfred, 1992.
The Anthropology of Time : Cultural Constructions of Temporal Maps and Images, Oxford, Berg.

HARTOG François, 2003.
Régimes d’historicité : Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil.

ROSA Hartmut, 2010.
Accélération : une critique sociale du temps, Paris, La Découverte.

ROVELLI Carlo, 2014.
Et si le temps n’existait pas ? Un peu de science subversive, Paris, Dunod.

SAINT-MARTIN Arnaud, 2019.
« Science-fiction et futurologie de la colonisation martienne. Espace des possibles, régimes de croyance et entrecroisements », Socio, no 13, p. 43-68.

SERVIGNE Pablo, 2015.
Comment tout peut s’effondrer : Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations, Paris, Seuil.

SRNICEK Nick & Alex WILLIAMS, 2016.
Inventing the Future : Postcapitalism and a World Without Work, Brooklyn & Londres, Verso.

 

>> Blog de la revue Terrain

 

 

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07.03.2022

[À paraître] Collectionner l'impressionnisme, le rôle des collectionneurs dans la constitution et la diffusion du mouvement

A la suite du colloque international Collectionner l'impressionnisme, organisé par la Fondation partenariale de l'université Paris Nanterre, avec le soutien du labex Les passés dans le présent, nous avons le plaisir de vous annoncer la publication des actes dans une double édition française et anglaise, aux Editions Silvana.  

Réunissant l'ensemble des interventions, des contributions inédites et de riches annexes, cet ouvrage vous permettra de prolonger la réflexion sur le rôle des collectionneurs dans la constitution et la diffusion du mouvement impressionniste

L’ouvrage, à paraître en septembre 2022, est d’ores et déjà disponible en pré-commande à un tarif préférentiel, jusqu'au 30 avril 2022, grâce au formulaire à télécharger sur cette page. 

A la suite du colloque international Collectionner l'impressionnisme, organisé par la Fondation partenariale de l'université Paris Nanterre, avec le soutien du labex Les passés dans le présent, nous avons le plaisir de vous annoncer la publication des actes dans une double édition française et anglaise, aux Editions Silvana.  

Réunissant l'ensemble des interventions, des contributions inédites et de riches annexes, cet ouvrage vous permettra de prolonger la réflexion sur le rôle des collectionneurs dans la constitution et la diffusion du mouvement impressionniste

Résumé

S’ils ne sont pas exempts de préoccupations économiques et sociales, les collectionneurs de l’impressionnisme se sont souvent impliqués dans la défense de ce mouvement qu’ils ont contribué, selon leur époque, à faire émerger, à imposer ou à diffuser. C’est à cette catégorie engagée de collectionneurs que cet ouvrage propose de s’intéresser.

De la constitution de la collection jusqu’à son entrée au musée, du soutien des artistes à l’échelle territoriale à la diffusion internationale du mouvement, des premiers accrochages intimes jusqu’aux interrogations que posent leur présentation dans les musées, les collectionneurs ont joué un rôle essentiel dans le développement et la diffusion de l’impressionnisme depuis les débuts du mouvement jusqu’au milieu du XXe siècle.

L’enjeu, à travers les seize contributions de spécialistes internationaux, est de réexaminer et de réévaluer l’importance de ces acteurs en lien avec leur époque, leur contexte politique, social et économique. Que Depeaux, de Nittis, les Palmer, Ohara, Bürhle, Caillebotte ou Fayet soient étudiés d’un point de vue monographique ou plus globale, c’est la multiplication de ces profils et de ces trajectoires de collectionneurs qui permet aux lecteurs de mieux comprendre leur poids dans l’histoire du mouvement.

L’ouvrage, à paraître en septembre 2022, est d’ores et déjà disponible en pré-commande à un tarif préférentiel, jusqu'au 30 avril 2022, grâce au formulaire à télécharger en bas de cette page dans la rubrique Documents. 

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Sommaire 

 

Collectionner l’impressionnisme, le rôle des collectionneurs dans la constitution et la diffusion du mouvement

Sous la direction de Ségolène Le Men et Félicie Faizand de Maupeou

 

Ségolène Le Men et Félicie Faizand de Maupeou, Collectionner l'impressionnisme : ici ou là ?

Ségolène Le Men, L'impressionnisme chez soi : "la meilleure exposition est celle de l'appartement de l'amateur"

 

L'impressionnisme défini par la collection : du peintre au monde de l'art

Gwendoline Cortier-Hardouin, La constitution des collections d'artistes impressionnistes

Fausto Minervini, Les De Nittis, collectionneurs et "collectionnés"

Alexandre D'Andoque, La collection impressionniste de Gustave Fayet

Anne Distel, Un document impressionniste : la première version du catalogue de l’exposition de la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs, graveurs etc… Paris, 1874

Catherine Méneux, Une indépendance relative : le rôle déterminant des collectionneurs lors de la quatrième exposition « impressionniste » en 1879

Léa Saint-Raymond, L’impressionnisme dans les annuaires de collectionneurs, en France et à l’étranger (1878-1937) 

 

La diffusion de l'impressionnisme par la collection : d'un continent à l'autre

Lukas Gloor, Regard sur l'impressionnisme français en Suisse

Carolyn Kinder Carr, Promouvoir l’impressionnisme dans le Midwest américain : Sara Tyson Hallowell et la constitution de la collection de Bertha et Potter Palmer

Theo Esparon, Comment Hollywood regarde-t-il l’impressionnisme ? Collectionner l’impressionnisme à Hollywood

Marie Laureillard, Diffusion de l’impressionnisme et collectionneurs en chine de Sun Peicang à nos jours

 

Impressionnisme et construction des identités : de la collection au musée

Noémie Picard, L’école de Rouen fabriquée par ses collectionneurs

Samuel Raybone, Collectionner l’impressionnisme dans les périphéries : les sœurs Davies, l’impressionnisme français et l’identité galloise en 1913

Chikako Takaoka, La Collection Ōhara-Kojima : Des œuvres d’art occidental pour le Japon du début du XXe siècle

Anne Higonnet, Quel devenir pour les collections impressionnistes ?

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27.10.2022

Appel à contributions - Volume collectif : Patrimoniochromies. Patrimoines et représentation des couleurs de la peau

Appel à contributions (date limite 2 janvier 2023), Volume collectif

Patrimoniochromies. Patrimoines et représentation des couleurs de la peau

 

Peaux blanches, peaux noires, peaux rouges,… Depuis l’Antiquité, la couleur tégumentaire a souvent été mise en avant pour différencier les groupes culturels, mais aussi pour caractériser les états de santé des individus ou pour décrire leurs émotions. Les représentations figurées font partie des supports privilégiés de tels discours, et l’histoire de l’art regorge de tels exemples. Ainsi, récemment, les historiens et historiens de l’art se sont-ils intéressés à la mise en scène de modèles noirs dans la peinture (expositions « Le modèle noir » (I. Bardon et al. (dir.), Le modèle noir. De Géricault à Matisse : [exposition, Paris, Musée d'Orsay, 26 mars-21 juillet 2019, Pointe-à-Pitre, Mémorial ACTe, 13 septembre-29 décembre 2019] / [organisée par les Musées d'Orsay et de l'Orangerie ; the Miriam and Ira D. Wallach art gallery, Columbia university in the city of New-York], Paris, 2019) et « Black is beautiful » (E. Schreuder & E. Kolfin (dir.), Black is beautiful. Rubens to Dumas : [exhibition], Amsterdam / Zwolle, 2008)), aux techniques picturales mises en œuvre pour représenter des carnations (Y. Schmuhl et al. (dir.), Inkarnat und Signifikanz. Das menschliche Abbild in der Tafelmalerei von 200 bis 1250 im Mittelmeerraum, Munich, 2017 ; M. Aschehoug-Clauteaux, Les couleurs du corps, Paris, 2018), ou encore aux couleurs des états de santé (F. Collard & E. Samama, Le corps polychrome. Couleurs et santé. Antiquité, Moyen Âge, Époque moderne, Paris, 2018).

Peut-on aller plus loin et mettre en évidence le rôle de la perception culturelle de la couleur de la peau dans les constructions patrimoniales même, à travers les âges ? La non-réception multiséculaire de la polychromie de la sculpture grecque antique, en dépit d’une évidence matérielle toujours plus riche, peut représenter un point de départ utile à cette réflexion. L’invention occidentale d’une Grèce blanche du marbre de ses statues dont les Occidentaux seraient les héritiers supposés a entraîné, en retour, l’affirmation d’une altérité caractérisée par les peaux les plus colorées et les plus sombres, supposées inférieures. La célébration, trop longtemps, dans la muséographie et les discours modernes d’une blancheur pourtant synonyme d’inachèvement pour les Grecs est une illustration des errements induits par une association stricte entre couleurs (ici de la peau) et patrimoines communautaires ou nationaux (P. Jockey, Le mythe de la Grèce blanche. Histoire d’un rêve occidental, Paris, Belin, 2013). A l’opposé, les statues médiévales de « Vierges noires » (Vierge noire du Puy-en-Velay, Vierge de Font-Romeu, etc.), dont la couleur originelle n’était, sans doute la plupart du temps, pas noire, ont fait l’objet, au XIXe siècle, d’un processus d’appropriation qui non seulement a vu l’invention de cette dénomination de « Vierge noire », mais encore a été parfois accompagné d’un phénomène d’ethnicisation (cf Sophie Brouquet (dir.), Sedes Sapientiae. Vierges noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale : [actes du colloque, Rocamadour (Lot), 19 et 20 octobre 2013], Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2017).

 

Le présent appel à contributions vise à approfondir ces pistes. Trois perspectives peuvent être mises en avant dans l’étude du lien entre la perception culturelle des couleurs de la peau et les processus de patrimonialisation.

On peut d’abord s’intéresser à l’évidence matérielle des couleurs de la peau, à la surface d’une œuvre, dans différents contextes d’exposition et d’utilisation (sacrés, publics, privés) aujourd’hui approchée de plus près grâce aux progrès constants des sciences du patrimoine. Certains matériaux, certaines techniques ont-ils été privilégiés à certains moments de l’histoire, dans certains foyers artistiques, pour représenter la couleur des carnations, et que peuvent nous en dire les sciences du patrimoine ? On sait désormais que les statues dans l’Antiquité faisaient l’objet de traitements de surface complexes, de création de patines, que les techniques d’imagerie et de caractérisation physico-chimique permettent aujourd’hui de mieux saisir. Dans quelle mesure les contraintes patrimoniales contemporaines informent-elles les protocoles instrumentaux et expérimentaux de caractérisation des matériaux de la couleur et des processus qui leur sont attachés ?

Un deuxième axe de questionnement pourra concerner les processus volontaires ou involontaires d’altération des couleurs dans les représentations du corps et de la peau, quel que soit le support (peinture, dessin, sculpture, tapisserie, etc.). Quelle est ici la part des contraintes matérielles, physiques et d’usages (dans le temps long) ? Plusieurs éléments peuvent être explorés : les rôles joués éventuellement par les supports, les matières picturales, les vernis et les patines dans ces processus d’altération. Les pratiques rituelles (toucher, baisers, etc.) ont-elles également contribué à ces dégradations ? Qu’en est-il des erreurs et maladresses de restauration ? Observe-t-on des processus spécifiques d’oblitération des couleurs de la peau (occultations, destructions volontaires), dans des contextes religieux, politiques, sociaux et sociétaux ? Au-delà, on pourra s’intéresser également aux expressions numériques contemporaines de la couleur des carnations, excès de couleurs ou reconstructions chromatiques. Quelles places de telles altérations volontaires ou involontaires des couleurs des peaux représentées occupent-elles dans l’élaboration des discours patrimoniaux, au prix de malentendus voire de contresens ? Peut-on en retracer l’histoire ?

Enfin, les contributions pourront tenter de répondre aux questions suivantes relatives aux liens entre identités, patrimoines et couleurs de la peau.  Ces dernières définissent-elles un horizon culturel et politique hérité de (supposés) ancêtres ? Participent-elles activement ou non d’une construction patrimoniale en en faisant un discriminant identitaire ? Observe-t-on dans l’histoire la mise en scène de ces discriminations par des traitements et des dispositifs picturaux exaltant par exemple la clarté de l’incarnat des uns versus la noirceur et le désordre pigmentaire de la peau des autres ? A quel moment note-t-on éventuellement dans l’histoire une inversion des valeurs chromatiques allouées à la peau de l’autre, leur conférant une valeur positive ? Par qui, selon quelles modalités et dans quels contextes historiques et sociaux une telle révolution des valeurs a-t-elle pu intervenir ?

 

Les propositions d’articles (en français ou en anglais), pour ce volume collectif sur les rapports entre patrimoine et représentation des couleurs de la peau, peuvent porter sur toutes les périodes historiques, toutes les aires géoculturelles, en prenant en compte l’ensemble des dimensions de la couleur (teinte, clarté, saturation, « césie » (c’est-à-dire matité, brillance, transparence, etc.)

Les résumés des propositions sont à envoyer à Philippe Jockey (pjockey(at)parisnanterre.fr) et Romain Thomas (rthomas(at)parisnanterre.fr) avant le 2 janvier 2023. Ils ne dépasseront pas 350 mots, et seront accompagnés d’une courte biographie (1 page maximum) de l’auteur/trice.

Cet appel à contributions est lancé dans le cadre du programme Patrimoniochromies du Labex Les passés dans le présent. Le volume collectif ainsi édité prendra place dans la série Travaux et Recherches de la collection Les passés dans le présent éditée par les Presses Universitaires de Paris Nanterre

Chaque article fera l’objet d’une double évaluation anonyme.

 

Calendrier général :

2 janvier 2023 : date-limite de retour des résumés (350 mots, maximum) ;

1er février 2023 : avis sur le résumé ;

15 juin 2023 : date-limite de remise des textes complets ;

Automne 2023 : décision définitive.

 

Editeurs scientifiques :

Philippe Jockey, professeur d’histoire de l’art et d’archéologie du monde grec à l’université Paris Nanterre.

Romain Thomas, maître de conférences en histoire de l’art moderne à l’université Paris Nanterre.

 

*****

 

Call for papers (deadline 2 January 2023), collective volume

Patrimoniochromies. Heritages and representation of skin colours

 

White skin, black skin, red skin,… Since ancient times, skin colour has often been used to differentiate between cultural groups, but also to characterise the state of health of individuals or to describe their emotions. Figurative representations are among the privileged supports of such discourses, and the history of art abounds with such examples. Thus, recently, art historians and historians have been interested in the staging of black models in painting (exhibitions "Le modèle noir" (I. Bardon et al. (eds), Le modèle noir. De Géricault à Matisse : [exposition, Paris, Musée d'Orsay, 26 mars-21 juillet 2019, Pointe-à-Pitre, Mémorial ACTe, 13 septembre-29 décembre 2019] / [organisée par les Musées d'Orsay et de l'Orangerie ; the Miriam and Ira D. Wallach art gallery, Columbia university in the city of New-York], Paris, 2019) and ‘Black is beautiful’ (E. Schreuder & E. Kolfin (eds), Black is beautiful. Rubens to Dumas : [exhibition], Amsterdam / Zwolle, 2008)). They have also investigated the pictorial techniques used to represent skin tones (Y. Schmuhl et al. (dir.), Inkarnat und Signifikanz. Das menschliche Abbild in der Tafelmalerei von 200 bis 1250 im Mittelmeerraum, Munich, 2017 ; M. Aschehoug-Clauteaux, Les couleurs du corps, Paris, 2018), or to the colours of health conditions (F. Collard & E. Samama, Le corps polychrome. Couleurs et santé. Antiquité, Moyen Âge, Époque moderne, Paris, 2018).

Can we go further and highlight the role of the cultural perception of skin colour in heritage elaborations themselves, through the ages? The centuries-old non-reception of polychromy in ancient Greek sculpture, despite the ever-increasing material evidence, may be a useful starting point for this reflection. The Western invention of a white Greece embodied in the marble of its statues, of which Westerners would be the supposed heirs, has led, in return, to the affirmation of an otherness characterised by the most coloured and darkest skins, supposedly inferior. The celebration, for too long, in modern museography and discourse of a whiteness that was synonymous with incompleteness for the Greeks is an illustration of the errors induced by a strict association between colours (in this case skin colours) and community or national heritages (P. Jockey, Le mythe de la Grèce blanche. Histoire d’un rêve occidental, Paris, Belin, 2013). In contrast, the medieval statues of ‘black Madonnas’ (the Black Madonna of Puy-en-Velay, the Madonna of Font-Romeu, etc.), whose original colour was probably not black most of the time, were the subject of a process of appropriation in the nineteenth century that not only saw the invention of the phrase ‘Black Madonna’, but was also sometimes accompanied by a phenomenon of ethnicisation (cf Sophie Brouquet (dir.), Sedes Sapientiae. Vierges noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale : [actes du colloque, Rocamadour (Lot), 19 et 20 octobre 2013], Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2017).

 

The present call for papers aims to explore these avenues further. Three perspectives can be put forward in the study of the link between the cultural perception of skin colours and the processes of patrimonialisation.

Firstly, we can look at the material evidence of skin colours, on the surface of an artwork, in different contexts of exhibition and use (sacred, public, private), which is now being approached more closely thanks to the constant progress of Heritage Science. Were certain materials and techniques favoured at certain times in history, in certain artistic centres, to represent the colour of skin tones, and what can Heritage Science tell us about this? We now know that statues in Antiquity were subject to complex surface treatments and the creation of patinas, which today imaging and physico-chemical characterisation techniques allow us to understand better. To what extent do contemporary heritage constraints inform the instrumental and experimental protocols for characterising colour materials and the processes associated with them?

A second line of questioning could concern the voluntary or involuntary processes of alteration of colours in representations of the body and the skin, whatever the medium (painting, drawing, sculpture, tapestry, etc.). What is the role of material, physical and usage constraints (over time)? Several elements can be explored: the roles played by supports, pictorial materials, varnishes and patinas in these alteration processes. Did ritual practices (touching, kissing, etc.) also contribute to these degradations? What about mistakes and clumsiness in restoration? Are there specific processes of obliteration of skin colours (occultations, voluntary destruction) in religious, political, social and societal contexts? Beyond that, we could also be interested in contemporary digital expressions of skin colour, colour excess or chromatic reconstructions. What place do such voluntary or involuntary alterations of the colours of the depicted skins occupy in the elaboration of heritage discourses, at the cost of misunderstandings or even misinterpretations? Can we trace their history?

Finally, the contributions may attempt to answer the following questions regarding the links between identities, heritages and skin colours.  Do the latter define a cultural and political horizon inherited from (supposed) ancestors? Do they actively or not participate in a heritage construction by making it an identity marker? Do we observe in history the staging of these discriminations through pictorial treatments and devices exalting, for example, the brightness of the incarnate of some versus the darkness and pigmentary disorder of the skin of others? At what point in history is there a possible inversion of the chromatic values attributed to the skin of the other, giving them a positive value? By whom, in what ways and in what historical and social contexts could such a revolution in values take place?

 

Proposals for articles (in French or in English) for this collective volume on the relationship between heritage and the representation of skin colour may cover all historical periods and all geo-cultural areas, taking into account all the dimensions of colour (hue, lightness, saturation, ‘caesity’ (i.e. mattness, shine, transparency, etc.).

Abstracts of proposals should be sent to Philippe Jockey (pjockey(at)parisnanterre.fr) and Romain Thomas (rthomas(at)parisnanterre.fr) before 2 January 2023. They should not exceed 350 words, and should be accompanied by a short biography (1 page maximum) of the author.

This call for contributions is launched within the framework of the Patrimoniochromies programme (Labex Les passés dans le présent. The collective volume will be published in the series Travaux et Recherches of the collection Les passés dans le présent published by the Presses Universitaires de Paris Nanterre

Each article will be subject to a double anonymous expertise.

 

General schedule :

2 January 2023: deadline for returning abstracts (350 words, maximum);

1 February 2023: first decision on the abstract;

15 June 2023: deadline for submission of full texts;

Fall 2023: final decision.

 

Scientific editors:

Philippe Jockey, professor of art history and archaeology of the Greek world at the University of Paris Nanterre.

Romain Thomas, lecturer in modern art history at the University of Paris Nanterre.

 

 diadumene.jpg

Modèle numérique 3D du « Diadumène de Délos (Athènes, Musée Archéologique National, inv. MN 1826), copie hellénistique en marbre doré à la feuille (vers 100 av. n.è.) d’une œuvre célèbre de Polyclète (Ve s. av. n.è.) La dorure de cette transcription en marbre participe ici d’un processus de patrimonialisation des œuvres grecques classiques dans un contexte privé. Crédit photographique : © ÉFA, C2RMF, Archeomed.