TECHNOCRITIQUE(S). Retour sur 3,3 millions d'années d'extériorisation technique des capacités


Colloque international organisé par le labex Les passés dans le présent et la MSH Mondes, du 25 au 27 septembre 2024 (Paris et Nanterre)

 

Partout où le numérique et l'usage des IAs se répandent, quel que soit le domaine de la créativité ou de l'activité humaine, l'impression de tenir une technologie tout terrain, totale voire universelle n'a jamais été aussi forte. On ne peut ignorer que la révolution numérique, tout en offrant en apparence simplicité et confort d'usage, s'est accompagnée d'une invisibilisation toute aussi remarquable de son infrastructure, maintenant les utilisateurs dans l'ignorance des processus et des composantes matérielles du moindre outil qu'ils ont en main. L'Homo confort, comme l'appelle l'anthropologue italien Stefano Boni, vit dans un monde hypertechnologique dont il ignore la plupart des circuits. Comment comprendre cette infrastructure du moindre effort si singulière dans laquelle nous vivons, resituée à l'échelle de 3,3 millions d'années d'extériorisation technique ? Fallait-il 3,3 millions d'années d'expérimentation pour en arriver là ou, au contraire, oublier toute notre histoire pour accepter une telle configuration ? Extériorisation a-t-elle toujours rimé avec émancipation, optimisation (de l'effort) ou bien avec réduction (des capacités) ? [...] Argumentaire complet

Contact et propositions à adresser au plus tard le 21 avril 2024 à minuit : technocritique.s@passes-present.eu

>> Appel à contributions

ACTUALITÉS

[Appel à participation] Spring Camp - Matériologie profonde - Introduction

MATÉRIOLOGIE PROFONDE
Deep materiology

SPRING CAMP
Introduction

MOLIETS-ET-MAÂ

DU 12 AU 15 AVRIL 2024

ARRIVÉE : 11 AVRIL PM / DÉPART : 16 AVRIL AM

 

La « matériologie profonde » se veut une pratique d’exploration approfondie de la matière. Elle vise à réagir à l’invisibilisation et à l’ignorance dans laquelle nous sommes volontiers maintenus quant à la composition, la traçabilité et les infrastructures des choses qui nous entourent mais aussi nous traversent et nous constituent. Comment peut-on connaître la composition des choses ? La tâche est immense. L’onto-cartographie constitue à la fois une méthode et une technique pour mener à bien cette exploration. À ce jour, il n’existe rien qui permette de concrétiser pleinement la matériologie profonde et l’onto-cartographie ou qui permettrait à n’importe qui de savoir de quoi n’importe quoi est fait n’importe quand et n’importe où. Des dispositifs d’expérimentation seront nécessaires, qui demanderont le bricolage d’outils d’exploration et de représentation de la matière. Si l’onto-cartographie, telle que nous l’imaginons, devrait servir idéalement d’instrument pour sonder la matérialité en profondeur, elle reste à inventer pour devenir utilisable par le plus grand nombre et devrait être le fruit d’une hybridation entre les sciences, les arts, les artisanats, le design et l’ingénierie afin de faire apparaître derrière chaque objet, une carte à l’échelle terrestre, des portions de maillage immergées dans les entrailles d’objets terrestres et célestes. Elle devrait permettre de les rendre visible, bien que, au-delà d’une certaine profondeur, ces bouts de matière deviennent flous et prennent la forme de traces. Par exemple, au fond de la mine d’argent de Jáchymov, l’uranium n’est pas directement visible. Il se dissimule derrière la pechblende et apparaît sous forme de trace phosphorescente bleue-verte lorsqu’on éclaire la roche avec un éclairage UV. Cette trace est une indication visible de la présence d’uranium et ce bout d’uranium est lié à une énergie qui provient d’une collision stellaire survenue il y a plusieurs milliards d’années. S’enfoncer dans la matière revient à se déporter toujours plus dans l’espace et le temps.

L’idée est que les techniques onto-cartographiques ne restent pas l’apanage de quelques experts, mais soient accessibles à tout le monde, en particulier à celles et ceux qui entretiennent un rapport culturel étroit avec les matières qu’ils manipulent au quotidien. Par exemple, un résident de Varanasi en Inde est idéalement situé, tant géographiquement que culturellement, pour réaliser la matériologie profonde du Gange. S’il avait une technique onto-cartographique telle que celle que nous envisageons, il lui serait possible de tracer les polluants industriels (produits chimiques toxiques, métaux lourds, etc.), les eaux résiduaires, les cendres funéraires, les pesticides agricoles, les détritus plastiques, les fleurs, les épices et les offrandes jetées dans le fleuve, tous affectant la réalisation des rituels religieux et, plus largement, la culture et la spiritualité hindoue. Dans l’autre sens, un Dakarois serait naturellement en position de suivre le parcours d’un tas de ferrailles depuis les entrepôts locaux. Ces bouts de métaux, après avoir été collectés, triés, revendus, exportés et refondus, pourraient se transformer en pièces de voiture en France, en structures métalliques à Dubaï ou en grille-pains aux États-Unis. Dans ces deux contextes, l’objectif est d’envisager des avenirs qui permettent d’autres pratiques, suscitent d’autres relations à la matière, explorent d’autres manières de l’extraire et de la remettre en circulation, inspirent d’autres façons de faire et de produire à partir de compétences développées localement.

La matériologie profonde et l’onto-cartographie opèrent bidirectionnellement. D’une part, en se déplaçant d’amont en aval, elles tracent l’évolution des matières, des traces les plus simples (comme un morceau de ferraille dans une décharge sénégalaise) jusqu’aux entités les plus élaborées (comme une fonderie en Chine), dans le but de suivre et d’esquisser des futurs possibles (comme la fabrication d’une nouvelle carrosserie de voiture). Ces perspectives peuvent aussi être ancrées dans le présent ou le passé, surtout lorsque la démarche est de nature archéologique (où, par exemple, la trace d’un ADN ancien pourrait révéler les origines méconnues de l’espèce humaine ou l’histoire d’une civilisation oubliée). D’autre part, en se déplaçant d’aval en amont, elles offrent les moyens de tracer, visualiser et analyser la complexité d’un système (comme la fabrication d’un Carré Hermès ou la fertilisation du sol d’une exploitation pomicole). L’objectif est double : mettre en évidence les facettes lumineuses (telles que l’utilisation d’un savoir-faire traditionnel ou la présence de Jupiter dans les coulisses d’un carré de soie imprimé) et les côtés plus sombres (comme les impacts négatifs de l’extraction minière ou la dégradation d’un écosystème aquatique). Il est tout à fait possible que cette plongée en profondeur introduise davantage de complexité et d’incertitude. En effet, plus nous nous efforçons de comprendre la matière, plus elle se révèle étrange, changeante et indéfinissable, comme le souligne Timothy Morton.

Le 30 novembre 2022 marque une date clé dans l’évolution technologique avec l’émergence du robot conversationnel ChatGPT. Ce système avancé est fondé sur une infrastructure sophistiquée de réseau de neurones de type transformer, lequel est interfacé avec Internet. Cette connexion étendue offre à ChatGPT l’accès à un vaste réservoir d’informations. Peut-on s’en servir pour initier le grand public aux dimensions les plus profondes de la matérialité du monde ? C’est le pari que nous faisons, ou du moins, nous aimerions mettre à l’épreuve ce dispositif durant ce premier atelier. Dans un premier temps, il s’agira de tester les possibilités et les limites de ChatGPT comme outil pour faire l’onto-cartographie des choses qui habitent notre monde et nous habitent. Jusqu’où peut-on aller dans la décomposition de la matière et la traçabilité des choses avec ChatGPT et avec quels prompts ? Comment lui faire violence pour qu’il ne réponde pas comme une personne lambda mais comme un véritable outil d’assistance à la connaissance nous permettant de nous enfoncer dans la molécularité de la matière et d’atteindre d’autres dimensions, y compris extra-terrestres ? À titre expérimental, l’objectif de ce spring camp est de former un premier collectif d’onto-cartographes et de se mettre au travail dans les Landes car l’onto-cartographie n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle est ancrée dans un territoire ou qu’elle part d’un territoire précis et d’objets singuliers. D’autres ateliers sont prévus dans les mois qui viennent, afin d’étendre la communauté des onto-cartographes, au Sénégal et en Inde, pour à la fois se confronter à d’autres problématiques et d’autres scénarii de la matière, mais aussi pour progresser dans la conception de l’outil onto-cartographique (avec ou sans IA) dont ce premier atelier aura posé les bases.

 

Merci à toute personne intéressée (de préférence étudiant.e en thèse ou en master de design ou de SHS) de nous contacter aux adresses suivantes :

Emmanuel Ducourneau : educourneau@gmail.com

Emmanuel Grimaud : emmanuel.grimaud@gmail.com

Yann Philippe Tastevin : philippe.tastevin@gmail.com

 

L’hébergement à Moliets-et-Maâ et la restauration sont pris en charge.

 

RÉFÉRENCES

BOGOST, I. ALIEN PHENOMENOLOGY. UNIVERSITY OF MINNESOTA PRESS. 2012

BRYANT, L. ONTO-CARTOGRAPHY. EUP. 2014

CONWAY, ED. MATERIAL WORLD. WH ALLEN. 2023

HARMAN, G. L’OBJET QUADRUPLE. PUF. 2010

HARRAWAY, D. STAYING WITHIN THE TROUBLE. DUKE UNIVERSITY PRESS. 2016

HOWSE, M. BECOMING GEOLOGICAL. V2_PUBLISHING. 2022

IRVINE, R. AN ANTHROPOLOGY OF DEEP TIME. CAMBRIDGE UNIVERSITY PRESS. 2020

MIODOWNIK, M. STUFF MATTERS. PENGUIN BOOKS. 2013

MORTON, T. THE ECOLOGICAL THOUGHT. HARVARD UNIVERSITY PRESS. 2012

PITRON, G. L’ENFER NUMÉRIQUE. LES LIENS QUI LIBÈRENT. 2023

THWAITES, T. THE TOASTER PROJECT. PRINCETON ARCHITECTURAL PRESS. 2012

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[AAC - Colloque international] Technocritique(s). Retour sur 3,3 millions d'années d'extériorisation technique des capacités

Organisé par 
le labex Les passés dans le présent et la MSH Mondes 
du 25 au 27 septembre 2024 (Paris et Nanterre)

 

Partout où le numérique et l'usage des IAs se répandent, quel que soit le domaine de la créativité ou de l'activité humaine, l'impression de tenir une technologie tout terrain, totale voire universelle n'a jamais été aussi forte. On ne peut ignorer que la révolution numérique, tout en offrant en apparence simplicité et confort d'usage, s'est accompagnée d'une invisibilisation toute aussi remarquable de son infrastructure, maintenant les utilisateurs dans l'ignorance des processus et des composantes matérielles du moindre outil qu'ils ont en main. L'Homo confort, comme l'appelle l'anthropologue italien Stefano Boni, vit dans un monde hypertechnologique dont il ignore la plupart des circuits. Comment comprendre cette infrastructure du moindre effort si singulière dans laquelle nous vivons, resituée à l'échelle de 3,3 millions d'années d'extériorisation technique ? Fallait-il 3,3 millions d'années d'expérimentation pour en arriver là ou, au contraire, oublier toute notre histoire pour accepter une telle configuration ? Extériorisation a-t-elle toujours rimé avec émancipation, optimisation (de l'effort) ou bien avec réduction (des capacités) ? [...] Argumentaire complet

 

Argumentaire complet en français et en anglais à télécharger au format pdf en bas de cette page, dans la rubrique Documents.

 

Comité d’organisation

 

Lars Anderson, maître de conférence, université Paris Nanterre, membre de TEMPS

Ghislaine Glasson Deschaumes, directrice de la MSH Mondes ; cheffe de projet du labex Les passés dans le présent

Emmanuel Grimaud, directeur de recherche CNRS, membre du LESC, responsable scientifique et technique du labex Les passés dans le présent

Julien Schuh, maître de conférence, université Paris Nanterre, membre du CSLF, directeur adjoint de la MSH Mondes

 

Comité scientifique

 

Frédérique Brunet, chargée de recherche CNRS, membre d’ArScAn

Guillaume Carnino, maître de conférence, Université de technologie de Compiègne

Ludovic Coupaye, professeur associé et directeur du Centre for the Anthropology of Technics and Technodiversity, University College, London

Servanne Monjour, maîtresse de conférence, Sorbonne université

Agnès Giard, écrivaine et anthropologue

Thierry Hoquet, professeur des universités, Université Paris Nanterre, membre de l’IREPH

Marc-Antoine Pencolé, professeur agrégé, membre associé Sophiapol

Alfonso Ramirez Galicia, INRAP, chercheur associé à TEMPS

Peter Stirling, chargé d’appui aux projets scientifiques, BnF

John Tresch, Mellon Chair et professeur, The Warburg Institute, School of Advanced Studies, University of London

Gwenola Wagon, maîtresse de conférence HDR, Université Paris 8

Fabienne Wateau, directrice de recherche CNRS, membre du LESC

Nathan Schlanger, professeur, École nationale des chartes

 

Format des propositions : 

 

-        Pour les interventions classiques individuelles : note d’intention d’une page en français ou en anglais ; note bio- et bibliographique succincte, coordonnées pour le suivi du contact.

-        Pour les ateliers (contributions aux ateliers suggérés ou proposition nouvelle : note d’intention de deux pages (argument, méthode, besoins en équipement, participants potentiels) en français ou en anglais, note bio- et bibliographique succincte, coordonnées pour le suivi du contact.

-        Propositions sous forme de démonstrations, expérimentations ou performances : note d’intention de deux pages (argument, méthode, besoins en équipement, participants potentiels) en français ou en anglais, note bio- et bibliographique succincte, coordonnées pour le suivi du contact.

 

Contact et propositions à adresser au plus tard le 21 avril 2024 à minuit : technocritique.s@passes-present.eu

 

Création du consortium-HN pictorIA

La création du consortium-HN pictorIA, dédié à l'analyse de corpus visuels numériques en sciences humaines et sociales par le biais d'outils d'intelligence artificielle, a été validée par le comité de pilotage de l'IR* Huma-Num. Porté par la Maison des Sciences de l'Homme Mondes, et s'inscrivant dans la continuité des initiatives du Labex Les Passés dans le Présent, pictorIA vise à fédérer les recherches interdisciplinaires autour de la reconnaissance automatique des formes en SHS. À travers la création de tutoriels, l'élaboration de protocoles partagés, l'organisation de formations et d'ateliers, ainsi que le développement de prototypes et de preuves de concept, le consortium cherchera à améliorer l'accessibilité, l'interconnexion et l'enrichissement des corpus visuels en histoire de l'art, archéologie, sociologie, anthropologie, études culturelles, information et communication, histoire de l'architecture et autres disciplines. Les partenaires du consortium incluent des institutions de premier plan telles que la BnF, l'INHA, l'INA, l'École nationale des chartes, La contemporaine, plusieurs unités de recherche et laboratoires à l'échelle nationale ainsi que des collaborations internationales.


agenda


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Labex Les passés dans le présent


    Le laboratoire d'excellence Les passés dans le présent (Labex PasP) est un programme de recherche interdisciplinaire en sciences humaines et sociales portant sur la présence du passé dans la société contemporaine. En associant des institutions culturelles de premier plan, il s’attache plus spécifiquement à comprendre les médiations de l’histoire à l’ère du numérique, les politiques de mémoire, ainsi que les appropriations sociales du passé en amont et en aval des politiques patrimoniales.

 

Axes de recherche 2020-2024:


>> Mémoire des milieux

>> Expériences du temps

>> Technologies de la mémoire

>> Mémoire pour le futur ?

Publications

Sophiapol (EA 3932) DICEN-IDF CNRS La contemporaine | bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains Bibliothèque nationale de France (BnF) Histoire des Arts et des Représentations (HAR) - EA 4414 Institut des Sciences sociales du Politique (ISP) - UMR 7220 Archéologies et Sciences de l'Antiquité (ArScAn) - UMR 7041 Maison des Sciences de l'Homme Mondes - USR 3225 Laboratoire d'Ethnologie et de Sociologie Comparative (LESC) - UMR 7186 Modèles, Dynamiques, Corpus (MoDyCo) - UMR 7114  Technology and Ethnology of Prehistoric Worlds - UMR TEMPS 8068 Musée d'Archéologie nationale - Domaine de St-Germain-en-Laye Études romanes équipe Nanterre Musée du quai Branly - Jacques Chirac Paris 8 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne CSLF Archives nationales ComUE Paris Lumières LER Institut national de l'audiovisuel (INA) Université Paris Nanterre Institut d'histoire du temps présent (IHTP) - UMR 8244 CEREG MEMO IR* Huma-Num LAVUE